Chroniques

La Chronique de Nicolas : Touché, mais pas coulé !

Bonjour,

Vous savez peut-être que j’aime comparer l’attention à l’interface entre nous et le monde.
Aujourd’hui j’aborde le sujet le plus délicat, aux deux sens du terme, dont je ne vous ai jamais parlé.
En anglais on dirait que le sujet est « Touchy »

Il y a une autre interface entre nous et le monde.

La peau.
Ou le toucher, en général.

Bref retour en arrière. Quatre lignes pas plus, promis.

Les dernières semaines, je vous ai parlé de la ligne de flottaison, métaphore du niveau de stress.
Il n’y a qu’à penser : débordé , sous l’eau, submergé, pour avoir une idée du phénomène.
Je vois quatre portes d’entrée pour la faire baisser : l’environnement, l’attention, le présent et ralentir.
Pour l’attention, utiliser les sens. La semaine dernière, c’était l’ouïe qui était à l’honneur.

Désolé, ça fait plus de quatre lignes si vous lisez ces mots sur votre téléphone.

Pour relire ces chroniques : Les lignes de flottaison, Quatre porte d’entrée et L’environnement,
Ainsi que celle que vous êtes en train de découvrir,

C’est fou le nombre d’expressions qui parlent du toucher.
Que ce soit toucher du bois, toucher le fond, toucher du doigt, toucher une corde sensible, ne pas avoir l’air d’y toucher, toucher le paquet, il y en a tout plein.
La liste touche à sa fin, rassurez-vous. Laissez-moi juste vous toucher un mot.

Pourtant (et c’est encore pire pendant la période actuelle),
Et c’est pas comme si ça nous faisait plaisir…
J’ai l’impression que le toucher est négligé.

Alors certes nous passons notre temps avec un truc à la main.
Un machin.
On pourrait même dire que nous passons notre temps à le tripoter.
Ce bout de plastique et de verre.

Il n’y a d’ailleurs pas grand chose de plus froid, de moins sensuel qu’une vitre et pourtant,
Nous passons notre temps à la caresser, à la tapoter.
À quel point sommes-nous floués, shootés, bernés, pour recommencer chaque jour à faire les mêmes gestes des centaines (milliers) de fois ?
Faire défiler, zoomer, swipper en haut, à gauche, à droite.

C’est bien normal d’y passer du temps, surtout en ce moment, pour compenser, pour remplir un vide, ou ne pas rester seul avec soi-même.

Mais est-ce qu’on aurait pas un peu oublié le reste ? L’essentiel ? La peau ? Les sensations ?

« La chaleur d’un siège (qui vient d’être quitté) est infra-mince » écrivit Marcel Duchamp.

Et si l’attention ce n’était pas seulement ce que l’on voit, ce que l’on entend, mais tous nos sens, notamment le toucher ?
Le contraste entre les matières, douces, granuleuses, les subtiles différences de température sous nos doigts.

Est-ce que ce ne serait pas fou de toucher, souvent, délibérément, autre chose qu’une vitre, en y portant notre attention ?
Je pose juste la question.
C’est délicat le toucher.
Chacun a un rapport particulier à ce sens qui a prise à notre intime.

Il y en a qui aiment la sensualité du cuir, en fermant les yeux,
Les vegans ? Un peu moins.
Il y en a qui passent leurs mains sur les carrosseries des voitures, et ils aiment ça,
Les piétons ? Un peu moins.
Il y en a qui jubilent lorsque les gouttes de pluie glissent entre leurs cheveux, et ils les laissent couler,
Les bigoudis ? Un peu moins.
Et ceux qui effleurent de leur mains les livres, les carnets et toutes sortes de papiers, en souriant,
Ceux qui sont atteints de phobie administrative ? Un peu moins.

Bon, trêve d’exemples (im)pertinents !
Habituellement, une grande majorité d’entre nous aime les massages,
Non ?

Et pendant un massage, nous accordons particulièrement de l’intérêt à nos ressentis, n’est-ce pas ?
Nous prenons soin de notre environnement, notamment numérique : essayez de profiter d’un massage avec quatorze notifications pendant la demi-heure, avec la télé à fond sur une chaine infos…
La présence à soi compte également :
Parce que si pendant ce temp-là, on pense aux actualités, c’est du gâchis.
Autant se frotter soi-même avec du papier journal.
Parce que si pendant ce temps-là on pense à ses prochaines emplettes,
Autant se frictionner avec sa liste de courses.
Parce que si pendant ce temps-là on pense à son travail,
Autant se lustrer avec un rapport de 80 pages avec ses charmants tableaux Excel et ses  jolis camemberts.
Vous avez l’idée.

Et ralentir ?
Vous préférez un massage de cinq minutes, façon gros rouleaux de station de lavage de voiture, debout avec des palmes et un tuba ou pouvoir prendre votre temps, allongé tranquillou ?

Et pourtant c’est ce que nous faisons parfois :
Être distraits par quatorze notifications par demi-heure.
Penser à la réunion de demain alors que nous sommes sous la douche.
Tout faire hyper speed en étant plus proche de l’aliénation (le sentiment d’être étranger à soi-même) que de la résonance.

Et si nous mettions en avant le toucher, de temps en temps ?
Histoire de porter attention,
Revenir au sensuel, à la lenteur, dans le calme, en étant concentré sur le moment présent.

Plutôt que de tripoter une vitre, faire le pari de la peau (d’une autre ou la sienne), sentir dans ses mains une plante (de  l’écorce d’un arbre à une pelouse effleurée), du sol (faire glisser entre ses doigts le sable d’une plage ou une poignée de terreau), de la douceur animale (caresser un chat ou toute autre bestiole coopérante…).

Histoire d’apporter une petite touche de volupté à nos vies débordantes d’électrons recyclés en pixels photoniques, comme ceux qui atteignent vos rétines à cet instant précis.

Merci de m’avoir lu,
À vendredi,
Nicolas

P.S. Si ces lignes vous ont touché, envoyez moi quelques mots pour me raconter votre rapport à ce sens.

P.P.S. : En attendant, si vous voulez renforcer votre attention, vous pouvez aller voir ce lien : https://nicolasdeliau.fr/le-super-pouvoir-du-focus/

P.P.P.S. : je n’ai rien contre le Yoga, bien au contraire.
C’est juste une approche un peu différente que je propose.
 
Suite et fin des P.S. :  Si vous aimez cette chronique, vous pouvez la transférer à un(e) ami(e).
Et si on vous a transféré cette chronique, vous pouvez vous abonner ici : www.nicolasdeliau.fr
Je ne partage pas vos infos, pas de spam.
Plutôt danser la lambada (peau à peau) avec Christine Boutin (vitrifiée).
 
Le vertige de l’attention vous nargue ?
J’ai confectionné un petit Pdf,
Quelques pages qui parlent de ce fragile équilibre digital,
Entre ennui et frénésie.
Vous pouvez le télécharger en vous abonnant à ma newsletter.

C’est gratuit,
Ça fait plaisir,
Et vous pouvez même y contribuer ici si vous le souhaitez.

Laisser un commentaire