Interviews

ITW de Clémence HAINAUT. Art Thérapeute

Clémence HAINAUT

« Bonjour Clémence Hainaut, comment vas-tu ?

Salama tsara ! Comme on dit ici à Madagascar.

Parle-nous un peu de toi, ton parcours…

Après un Master 2 en Interprétation et Traduction, une école de danse, deux licenciements économiques, quelques voyages, 1 an à Bruxelles, 6 mois au Canada, 6 mois en Italie, quelques autres aux Etats-Unis, 2 CDI, 1 statut d’auto-entrepreneure en tant qu’interprète pour les migrants… me voilà ! 😉

Parle-nous de ton job d’aujourd’hui, et de ce qui te plait particulièrement ?

Je suis aujourd’hui Art-Thérapeute à Madagascar, au sein d’un centre de santé mentale. Je suis engagée en tant que « Volontaire de Solidarité Internationale ». L’art thérapie consiste principalement à offrir à chacun la possibilité de s’exprimer autrement que par les mots, en laissant aller soit le coup de pinceau, soit le corps en dansant, ou même la voix, en chantant ! Au quotidien , cela m’amène donc à considérer chacun comme mon égal, un humain – qu’il ait été diagnostiqué avec une « pathologie » ou non. Là où je travaille nous ne nous considérons pas plus mal en point que les personnes hospitalisées. Au quotidien, je chante, je danse, je peins ! C’est un vrai métier qui demande une pléthore de compétences, mais je me considère très chanceuse de pouvoir aussi laisser aller ma créativité tous les jours !

Venir travailler ici a été le fruit d’une longue réflexion, notamment sur le sens que je donnais à mon travail. A Paris je travaillais à perte avec mon statut d’auto-entrepreneure, les jours étaient bien gris parfois. Ma conclusion a donc été qu’il était important pour moi de ne pas rester 10 h derrière l’ordinateur et de donner de mon temps à qui en a plus besoin que moi.

Parle nous de tes principales réussites ici, une anecdote ?

La réussite ici c’est tous les jours avec les gens que nous accompagnons ! Un sourire, un regard, un éclat de rire même – pour ces gens qui souvent voient la vie en noir, rien que le fait qu’ils se soient levés le matin pour assister à nos ateliers, c’est déjà une réussite !

Les anecdotes sont vraiment nombreuses… mais celle qui me vient en tête date d’hier : rien à voir avec le schmilblick mais le chat « ronron thérapeute »  de l’hôpital m’a fait pipi dessus. S’en est suivi une longue discussion avec lui où j’ai dû lui expliquer que je n’étais certainement pas la bonne personne pour lui, et que je préférais davantage les mots doux que les pipis doux J Le travail en équipe, c’est parfois difficile.

Comment as-tu découvert l’association « Sans Mon Portable » ?

Grâce à Boris !

La Digital Detox ça te dit quoi ?

Une nécessité ! Même si le nom ressemble presque encore à un jus de fruit sans goût à 15€ 😉

En quoi l’hyper-connexion peut-elle être une vraie addiction ?

Quand on est hyper connecté, on cherche le bonheur à l’extérieur de soi : l’image, le nombre de Like, les vidéos, les photos Instagram, les Tweet et j’en passe encore. Un petit Like et HOP mon sentiment de bonheur augmente… et ça y est je suis accroc. Quand on prend de la drogue ou qu’on boit trop, c’est le même principe : on pense qu’on est plus heureux quand on boit un coup, on se sent le cœur léger, on a des ailes. Difficile de revenir à la réalité le lendemain matin ! Tout comme il nous est difficile de vivre le moment présent quand on a pas de quoi prendre une photo, montrer ce qu’on fait à nos 458 amis Facebook.

Tout le problème est là : au lieu de chercher de quoi se rendre heureux soi-même, en étant vraiment avec les gens qui sont autour de nous à l’instant T, les écouter et les aimer, à prendre de bonnes décisions pour nous, à prendre soin de soi et se congratuler soi même pour les 30 Km qu’on vient de courir  (sans appli Nike de suivi du parcours)… on pense toujours que le bonheur viendra de l’extérieur, comme par magie : parce qu’on a une popularité élevée sur les réseaux sociaux, ou parce qu’on se la joue avec nos photos de vacances, bref que c’est l’autre qui va nous rendre heureux.

Spoiler alert : C’EST FAUX !

Comment abordez vous le traitement ou l’accompagnement des « malades » ? Viennent-ils d’eux même ?

Chez nous, on les appelle « amis » ! Nous en parlons très ouvertement avec eux, et oui ils viennent d’eux-mêmes ! On fait de la sensibilisation sur ce sujet.

Existe-t-il une addiction «citadine » selon toi ?

Je ne sais pas vraiment, étant donné que pour moi c’est surtout une question de recherche de bonheur, est-ce que cela signifierait que les citadins sont plus malheureux ? Peut-être.

Autour de toi, dans ton proche entourage, tu as aussi des gens hyper-connectés ? Tu veux nous raconter ?

OUI ! Mais je ne vous dirai pas qui. Ils se reconnaîtront. Ça m’énerve.. et ils le savent. Il suffit que je prenne mon portable 10 minutes pour qu’ils m’accusent d’être accroc aussi ! Et puis le problème se résout tout seul quand le problème disparaît au détour d’un marché malgache J

Ton portable à toi, c’est un ami, un ennemi, les 2 ?

Un peu des deux, il est presque tout le temps sur silencieux ! Depuis que je suis ici c’est vrai que Whatsapp me sert beaucoup pour contacter tous les gens que j’aime… bien obligée !

A quel moment apprécies-tu le plus de le lâcher ?

A tout moment de la journée ! Vraiment je ne crois pas être trop accroc !

Combien de temps serais-tu capable de t’en passer en réalité ? 2H, 24h, 48h, 72h ou une semaine ?

Ah oui une semaine sans soucis ! C’est peut-être plus la famille qui s’inquiéterait J

Quelle est selon toi la meilleure manière de se déconnecter ?

Jeter le portable dans les toilettes ! Non plus sincèrement, comprendre que ce n’est pas sur Facebook que se trouve le bonheur.

Selon toi, pourquoi notre association s’appelle « Sans Mon Portable » et pas « Sans Portable ?

Parce que c’est quand même un chouette moyen de communication ! Ne le nions pas 😉

Si tu devais t’isoler loin de tout, tu irais où ?

Euh… dans mon lit ?

Une question indiscrète : ton rêve le plus fou ?

Venir travailler à Madagascar !

Tes projets à plus court terme ?

Découvrir cette belle île, parce que j’ai quand même beaucoup travaillé depuis que je suis là, et j’ai bien envie de découvrir les beautés cachées de cet endroit !

Une dernière question : Quelle idée d’événement déconnecté nous conseillerais-tu d’organiser, pour le bien de tous ?

Un portable + un marteau : destruction massive de portable !

Un message personnel à faire passer ?

Le portable c’est tabou, on en viendra tous à bout !

A bientôt Clémence, donne-nous des nouvelles !»

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1 Comment

  1. Critique juste des réseaux sociaux, dont l’utilisation excessive focalise l’utilisateur sur le paraître et non l’être.
    Mais le portable permet aussi d’accéder a de l’information, de communiquer, tout n’est pas si noir 🙂

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